Aleteia logoAleteia logoAleteia
Vendredi 06 décembre |
Aleteia logo
Belles Histoires
separateurCreated with Sketch.

Saint Jean de Dieu, l’inventeur de l’hôpital moderne qu’on prenait pour un fou

SAINT-JEAN-DE-DIEU.jpg

Domaine public

Saint Jean de Dieu sauvant les malades de l'incendie de l'hôpital royal (1880).

Anne Bernet - publié le 07/03/24

Pris pour un fou, c’est à l’asile qu’il prend conscience de l’horrible souffrance des malades mentaux maltraités. Fondateur de l’ordre des Hospitaliers, Jean de Dieu est le véritable inventeur de l’hôpital moderne. L’Église le fête le 8 mars.

Pour qu'Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l'avenir d'Aleteia deviendra aussi la vôtre.

Je donne en 3 clics

*don déductible de l'impôt sur le revenu

Grenade, 20 janvier 1538 : la foule se presse pour entendre Jean d’Avila, grand prédicateur venu parler du martyre de saint Sébastien. Le sermon est brillant, bouleversant, beaucoup de gens pleurent en l’écoutant. Soudain, au premier rang, un homme d’âge mûr, car il a passé la quarantaine, se dresse, ruisselant de larmes, se frappant violemment la poitrine ; il hurle : “Ayez pitié d’un pauvre pécheur, mon Dieu, ayez pitié de moi !” Il paraît frappé de démence, conviction qui grandit dans les jours suivants tant son comportement semble insensé.

Il parcourt les rues en se flagellant

L’homme se nomme Joao Cidade, est né près d’Evora au Portugal le 8 mars 1495, s’est récemment établi libraire à Grenade. C’est d’ailleurs vers sa boutique que, toujours en proie à cette excitation fiévreuse, il se dirige maintenant. Rentré dans sa librairie, il arrache les livres des rayons. Ceux qui traitent de religion, il les pose sur le seuil, incitant à les emporter gratuitement ; quant aux romans et autres sottises, il les déchire à pleines mains et, quand la reliure résiste, l’arrache avec les dents… Ses affaires personnelles et vêtements connaissent le même sort, il distribue tout, restant habillé d’un pantalon et d’une chemise usés. Puis il se met à parcourir les rues en se flagellant, se traînant par terre, en larmes, refusant de manger. 

Les premiers jours, les enfants lui jettent des pierres, puis l’on s’écarte de son chemin, on le chasse en criant au fou. La rumeur qu’un dément se promène en ville, dangereux pour lui-même et pour autrui se répand, les autorités se décident à l’interner. Joao se laisse faire sans protester, même quand il expérimente les tristes méthodes destinées à “soigner” les aliénés : douches glacées et fouet, chaînes et privations de nourriture. Il supporte tout, offre tout à Dieu pour la rémission de péchés dont on ne sait rien. 

Une seule idée : fonder un hôpital

Peu à peu, cette crise mystique semble s’apaiser : Joao reprend un comportement normal, se fait apprécier des gardiens de l’asile, leur demande la permission de les aider à soigner ses frères d’infortune, besogne à laquelle sans l’avoir apprise il se consacre avec une douceur étonnante, obtenant plus d’amélioration de leur état que les brutalités. Au bout de quelques mois, convaincues de sa guérison, les autorités le relâchent. Rendu à la liberté, Joao ne parvient pas à oublier, non cette pénible expérience car il en a vu d’autres, mais l’horrible souffrance de ces malades mentaux maltraités. 

Il n’a plus qu’une idée : fonder un établissement pour les recevoir où ils seront chrétiennement traités. Il n’a pas un sou. Qu’importe, il mendiera, au cri lancinant de “Frères, pour l’amour de Dieu, faites-vous du bien, donnez aux pauvres !” Quelques bonnes âmes lui donnent de quoi louer un local, y mettre des paillasses, une table, des ustensiles de cuisine. Ce ne sont pas seulement les aliénés que Joao recueille mais toutes les détresses croisées dans la rue, y compris un vieil Arabe à l’agonie dont la présence, en ces lendemains de la Reconquista, est fort peu appréciée… Des disciples lui viennent, qui seront avec lui à l’origine de l’Ordre des Hospitaliers. Pourtant, quel que soit son dévouement, son total oubli de lui-même, Joao est hanté par son passé sur lequel il laissera planer une certaine pénombre.

Les stigmates de la couronne d’épines

Fils d’une honorable famille portugaise ruinée, il l’a abandonnée à 8 ans sans que l’on sache s’il a fugué pour se rendre à Madrid ou s’il a été enlevé par un vagabond, peut-être prêtre défroqué, qui l’a abandonné en rase campagne. Recueilli par l’intendant du comte d’Oropesa, l’enfant devient berger. À 27 ans, il s’engage dans l’armée, en est chassé pour manquement à ses devoirs, retourne à son métier de berger, se réengage. Après avoir servi en Hongrie et en Hollande, vieillissant, libéré des obligations militaires, il veut retrouver sa famille, découvre que sa mère est morte du chagrin de sa disparition et que son père l’a suivie dans la tombe, après avoir enfoui sa peine dans un couvent où il a prié jusqu’à son dernier jour pour son fils. Sans autre but qu’oublier ses malheurs, pires sans doute que ce qu’il en livre, Joao va à Ceuta, à Gibraltar, échoue à Grenade où sa vie a enfin trouvé sa raison d’être. Est-il le grand pécheur dépravé qu’il se croit, ou une victime ? 

Quoiqu’il en soit, il n’y a plus de place dans son existence que pour l’amour de Dieu et du prochain, qui lui fait prendre tous les risques comme la nuit où le feu ravageant son hôpital, il se jette dans le brasier pour en arracher un à un ses malades, au risque de périr avec eux. L’évêque reconnaît sa fondation, lui donne un habit monastique de couleur grise et le nom de Jean de Dieu. Peu après, ses proches constatent sur son front d’étranges traces de piqûres qui font le tour de sa tête : les stigmates de la couronne d’épines apportée par Notre-Dame lors d’une extase ; ils ne s’effaceront plus. Qu’il communique avec le monde invisible, l’on en a une autre preuve le jour où il abandonne en toute hâte ce qu’il fait pour courir vers la maison d’un de ses amis et le secourir in extremis alors qu’il venait de se pendre… À ceux qui demanderont comment il a su, il avoue avoir été averti par un ange qui a soutenu le pendu le temps qu’il arrive et coupe la corde. 

Une conception nouvelle des soins aux malades

Début mars 1550, alors que le fleuve sorti de son lit inonde Grenade, Jean se jette à l’eau pour sauver un homme qui se noie. Il échoue à l’arracher à la mort, regagne péniblement la rive. Cette baignade glaciale achève son organisme brisé par les jeûnes, privations, pénitences. Jean de Dieu meurt le 8, jour de son 55e anniversaire. Ses derniers mots à son confesseur sont : 

Il me reste trois sujets d’affliction : mon ingratitude envers Dieu, le dénuement où je laisse mes pauvres et n’avoir pas remboursé les dettes contractées pour les secourir.

Son œuvre lui survivra, répandant sa conception neuve et humaine des soins aux malades et de l’hôpital. Canonisé en 1690, saint Jean de Dieu est le patron des malades hospitalisés, du personnel hospitalier, des infirmiers mais aussi, en souvenir de ses premières activités des imprimeurs, relieurs et libraires.

Tags:
CharitéhôpitalSaints
Aleteia vit grâce à vos dons

Permettez-nous de poursuivre notre mission de partage chrétien de l'information et de belles histoires en nous soutenant. 

Profitez de cette fin d'année pour bénéficier d'une déduction de 66% du montant de votre don sur l'impôt sur le revenu en 2024.

Top 10
Afficher La Suite
Newsletter
Recevez Aleteia chaque jour. Abonnez-vous gratuitement