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Au musée de Cluny, une expo qui fait aussi entrer dans la prière

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Morgane Afif

Le Missel de Jean des Martins, Enguerrand Quarton, 1465-1466

Morgane Afif - publié le 12/03/24

Le musée de Cluny, à Paris, propose jusqu'au 16 juin 2024 une exposition consacrée aux arts en France sous Charles VII. Aleteia décrypte trois chefs-d'œuvre d'un parcours éblouissant pour prouver que l'art qui élève l'âme est aussi une porte d'entrée vers la prière.

Il faut, pour rejoindre le musée de Cluny, se faufiler dans les rues étroites du quartier latin et déambuler dans cet arrondissement touristique, entre Notre-Dame et la Sorbonne. C’est à l’art, ou plutôt aux arts, sous le règne de Charles VII (1422-1461) que le musée de Cluny, musée national du Moyen Âge, consacre une nouvelle exposition qui prend place sous la voûte de l’ancien frigidarium des thermes de Lutèce. Le XVe siècle connaît un extraordinaire renouveau artistique, qui lui valait bien une exposition : la France traverse une période de profondes mutations alors que s’achève la guerre de Cent Ans tandis qu’Armagnacs et Bourguignons se disputent la couronne entre partisans du duc d’Orléans et du duc de Bourgogne, Jean sans Peur. Le nord du Royaume est occupé par les Anglais et les Bourguignons. Au même moment, grâce à la petite bergère de Domrémy, Charles VII, fils de Charles dit “le Fol”, reconquiert le trône de France pour se faire sacrer à Reims. L’art, alors, s’essaye à l’ars nova venu des Flandres avec Van Eyck qui définit une nouvelle maniera pétrie par le réalisme flamand et l’influence italienne de Brunelleschi, Donatello et Bellini. Le gothique international expire tandis que germent timidement les prémices de la Renaissance.

Charles VII, on le sait, a mauvaise presse pour ceux qui voient en lui le traître qui n’a pas daigné sauver Jeanne d’Arc qui l’a pourtant guidé jusqu’à son trône. Le royaume de France, pourtant, est encore très chrétien et les arts, religieux, rayonnent dans toute l’Europe. L’exposition, elle, regroupe sous la voûte sombre du musée restauré une collection éblouissante de manuscrits, peintures, sculptures, pièces d’orfèvrerie, vitraux et tapisseries. Ici, le seul portrait réalisé du vivant de sainte Jeanne d’Arc ; là, la Pietà dite de Tarascon au regard déchiré par la douleur ; des enluminures éblouissantes du Maître de Rohan ; la Trinité aux chanoines, un panneau de bois destiné à Notre-Dame de Paris ou encore les panneaux du Triptyque de Dreux-Budé, exceptionnellement réunis. Les œuvres regroupées ici, fabuleuses de beauté et de minutie, deviennent ainsi prière, pour faire mémoire de ces siècles d’Histoire qui font renaître la foi ardente qui, autrefois, faisait battre le cœur de la France.


La Crucifixion du Maître de Dreux-Budé

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Triptyque de Dreux Budé, André d’Ypres.

Ces trois panneaux, aujourd’hui conservés en trois lieux différents et réunis exceptionnellement pour l’exposition sont le fruit de la commande de Dreux Budé, riche officier au service de Charles VII, puis de son fils Louis XI. C’est Dreux Budé lui-même qui est représenté en prière dans le volet gauche avec son fils Jean, tandis que son épouse, Jeanne Peschard, occupe le volet droit aux côtés de ses deux filles, Jacquette et Catherine, présentées par la sainte patronne de cette dernière. Au centre, la sublime Crucifixion laisse entrevoir en arrière-plan le feu dévorant de l’Enfer sous un abominable démon, derrière un Christ libérant les âmes des défunts enchaînés. Au pied de la croix, les soldats tirent au sort qui gardera la “tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas” de Jésus (Jn 19, 23-24). La scène, encore une fois transposée à l’époque de sa peinture, invite le spectateur à s’interroger : au pied de la croix, face au Christ crucifié, qui, de ces personnages, serai-je donc ? Le soldat concentré sur l’objet de grand prix ; le curieux de passage qui s’arrête un instant avant de continuer son chemin ; celui qui se moque de l’homme cloué sur la croix à qui l’on crie : “Sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu” (Mt 27, 40) ; saint Jean pleurant la mort de son Seigneur ; ou Marie elle-même, contemplant le mystère douloureux de son Fils crucifié et mort pour sauver l’humanité ?

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Triptyque de Dreux Budé, André d’Ypres. Gauche : Le baiser de Judas. Droite : La Résurrection.


La Pietà dite de Tarascon

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La Pietà dite de Tarascon, peu avant 1457.

Peinte durant la seconde moitié du XVe siècle, cette Pietà porte sur ses genoux le corps mort du Christ. Elle pleure, entourée par saint Jean et les trois Marie, dont Marie-Madeleine que l’on reconnaît à sa longue chevelure ondoyante et à son pot de parfum. La scène, particulièrement pathétique, au sens littéraire, insiste sur la profonde douleur de cette mère qui vient de voir mourir son Fils. Lorsqu’elle orne l’hospice de Tarascon avant d’être acquise par le musée du Louvre en 1910, l’arrière-plan dévoile encore un ample paysage dominé par la silhouette de Jérusalem. Retiré en 1950, il a laissé place à ce sublime fonds d’or délicatement égayé par de charmants rinceaux estampés. De la main droite du Christ couché, le sang qui a coulé semble désormais s’élever vers le Ciel, comme pour manifester l’offrande volontaire que Jésus a faite de sa vie, dans un mouvement d’oblation de la terre vers Son Père. Sur la gauche, saint Jean est brûlant de douleur en enlevant avec délicatesse et une par une les épines qui ont déchiré la tête de son Maître et Seigneur. Un geste à méditer dans la prière pour renouveler avec confiance et douceur, dans l’oraison, cet exemple de tendresse éprise et d’infinie piété.


Le Missel de Jean des Martins par Enguerrand Quarton

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Le Missel de Jean des Martins, Enguerrand Quarton, 1465-1466.

C’est ici la dernière œuvre connue du peintre Enguerrand Quarton, qui exécute une commande du chancelier de Provence Jean des Martins. Ce diptyque figure, à gauche, le Père en majesté accompagné du Tétramorphe et à droite la Crucifixion du Christ. La plasticité des volumes, comme la lumière franche qui inonde les scènes, portent la signature de leur auteur et sont caractéristiques de sa production. Plusieurs fleurs symboliques ornent les deux dessins dont elles complètent la lecture. En bleu, l’ancolie, dont la forme qui s’apparente à des colombes représente l’Esprit saint. Aussi appelée “columbine” en anglais, cette fleur manifeste la périchorèse, c’est-à-dire l’union inséparable qui unit le Père au Fils dans le Saint-Esprit. À droite, au loin, derrière la Crucifixion, un édifice contemporain de la création de l’œuvre manifeste l’actualisation du Très Saint Sacrifice du Christ sur la Croix renouvelé dans l’eucharistie : la Crucifixion, comme la Résurrection, sont dans le temps tout en étant hors du temps.

Les arts sous Charles VII ou la foi triomphante au musée de Cluny

Informations

Les arts en France sous Charles VII (1422-1461)
Jusqu’au 16 juin 2024
Musée de Cluny, 28 rue du Sommerard, 75005 Paris
De 9h30 à 18h15 tous les jours sauf le lundi
Réservation

Tags:
ExpositionFoiPeinture
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