En Birmanie, les catholiques se préparent à vivre une Pâque au goût amer, alors que la guerre civile laisse la population exsangue. L’intensification des combats qui opposent la junte aux forces de défense du peuple a provoqué une escalade sans précédent des attaques contre les civils, alerte l’ONU dans un dernier communiqué. Les raids aériens auraient ainsi été multipliés par cinq sur les cinq derniers mois. La communauté catholique n’est pas épargnée, contrainte de fuir les villages sous le feu des bombardements. Dans le diocèse de Loikaw (État de Kayah, nord de la Birmanie, ndlr), évêque, prêtres, religieux, religieuses et familles catholiques ont quitté leur ville considérée comme un bastion majeur des forces de défense populaires. La cathédrale de Loikaw avait ainsi dû être abandonnée à la fin du mois de novembre aux mains des militaires, transformée en base militaire.
Une situation particulièrement douloureuse pour Mgr Celso Ba Shwe, évêque du diocèse, qui veut cependant véhiculer un message d’espérance alors qu’approche la Semaine sainte. Le prélat confie à l’agence Fides que cette expulsion est “l’occasion que Dieu m’a donnée de me rapprocher du peuple, de partager avec tous les déplacés la condition de réfugié, de visiter et de consoler les cœurs affligés”. Afin d’être au plus proche de ses ouailles si durement éprouvées par la guerre, Mgr Celso se déplace dans les diverses paroisses de son diocèse. Devant une centaine de personnes déplacées, il a appelé les catholiques à ne pas céder au désespoir mais au contraire à construire “la réconciliation (…) en renonçant à la haine, à l’agression et à l’hostilité”.
D’une cathédrale à une simple chapelle en bois
C’est dans une cathédrale “de bambou” dédiée au Christ-Roi, construite en pleine forêt, que l’évêque du diocèse de Loikaw, ses fidèles et tous les catholiques déplacés célèbreront les messes et les offices de la Semaine sainte, ainsi que Pâques. Un moyen de continuer à “se serrer autour de Jésus“, pour Mgr Celso, et de permettre à la communauté catholique “même dispersée sur le territoire, [de rester] unie dans la prière en temps de tribulation.” “Nous ne savons pas combien de temps durera cette situation et cette période de précarité. Je ne sais pas dans quel état nous retrouverons la cathédrale et quand nous pourrons y retourner”, constate l’évêque. “Nous prions le Seigneur et nous nous en remettons à lui en tant que communauté qui désire et demande la paix et le salut, le don de Pâques que nous attendons tous avec beaucoup d’espoir.” Au moins douze églises ont été touchées par des incendies et des bombardements dans le diocèse de Loikaw, selon Fides, et plus de la moitié de ses 41 paroisses sont vides de leurs fidèles.
Depuis le coup d’État militaire du 1er février 2021 qui a conduit l’armée birmane au pouvoir, le nord de la Birmanie est en proie à des affrontements violents entre la junte et les Forces de défense du peuple (PDF) qui s’opposent à la dictature militaire et ont organisé un vaste mouvement de désobéissance civile. Cette zone du pays concentre de nombreux villages majoritairement catholiques où se regroupent les rebelles. Fin octobre 2023, plusieurs factions armées de rebelles se sont réunies afin de mener une vaste offensive contre l’armée régulière. Cette opération a embrasé la région, marquant un point d’orgue dans la guerre qui oppose armée et rebelles. Si les chrétiens sont minoritaires en Birmanie, où ils ne représentent que 6% de la population (dont 3% de catholiques), ils sont localisés principalement au nord du pays où ont lieu l’essentiel des combats.