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Passé une journée à Paris, ce qui m’arrive désormais rarement. Que d’intelligence et que de méchanceté ! Et comme les deux semblent aller bien ensemble dans cette ville ! Dans les conversations où l’on m’entraîne, inlassablement la méchanceté stimule l’intelligence et l’intelligence nourrit la méchanceté. Impossible d’en sortir. J’assiste à un tir au pigeon contre des volatiles dont le patronyme — sauf quand il se prononce Bergoglio ou Macron — m’est inconnu. Je me sens à Paris comme un voyageur visitant un pays dont il ne maîtrise plus la langue. En dehors du basic english qui a remplacé le Français de Molière sur la plupart des affiches, on ne comprend plus rien : il n’est question que de résilience, de disruption, d’illibéralisme et de fachoshère. Les indignations sont de plus en plus virulentes et de moins en moins limpides. On voudrait un dictionnaire.
Théologien de la pauvreté
Fort heureusement, dans le train du retour j’ai lu la réédition des textes de Maurice Zundel sur Marie, aux éditions du Passeur. Je ne connaissais Maurice Zundel que par les bribes de textes cités dans des méditations et surtout par l’admiration sans borne que des maîtres que j’admirais infiniment, comme le père Daniel Ange, leur vouaient. J’ai découvert une pépite à bord du TGV.
La pauvreté matérielle est aussi notre lot à tous, mais celle-ci arrive plus tard, quand la santé s’éloigne.
Le père Maurice Zundel, né en Suisse en 1897 où il est mort en 1975, est le théologien, mais aussi le poète de la pauvreté. Pas de la pauvreté spirituelle, qui est notre lot à tous, mais bien de la pauvreté matérielle, celle qu’a aimé le Christ. D’ailleurs la pauvreté matérielle est aussi notre lot à tous, mais celle-ci arrive plus tard, quand la santé s’éloigne. La pauvreté dont parle Zundel a son modèle dans la Vierge Marie.
La féminité de Dieu
Zundel raconte à plusieurs reprises qu’il a vécu une rencontre personnelle avec Marie l’année de ses quinze ans, et que cette rencontre a déterminé sa vie. Marie lui est apparue ce jour-là comme la vierge totale,” virginisante”, parce que radicalement dépouillée d’elle-même dans une offrande totale à Dieu. Marie, dit Zundel, crée en nous cet espace illimité où Dieu peut se donner. En nous dépouillant, elle nous révèle la maternité de Dieu, tout en nous conduisant au Christ. Ce faisant, Marie est bien mère des hommes, non pas d’une maternité mièvre, mais d’un amour total et divin. “Dieu est toujours déjà là. C’est donc l’homme qui est absent. En Marie est né un homme qui est, lui, totalement présent à Dieu : humanité nouvelle.” Marie nous engendre tous à cette présence totale de Dieu. “Il est impossible de dire Marie sans qu’elle réponde Jésus.” Marie, montre Zundel, incarne la féminité de Dieu lui-même.
Marie au pied la croix
En temps de Semaine sainte, il faut relire les textes de Zundel sur Marie au pied de la Croix :
“Marie recueille l’agonie de nos âmes en nous offrant la Croix dans un cœur de mère, comme le don suprême de la Pauvreté divine à la pauvreté humaine.”
“Comme d’autres femmes apportent aux mourants solitaires l’offrande lumineuse d’une suprême tendresse, elle apportait le cœur d’une mère à l’agonie de Dieu.”
“Elle est toujours debout tant que dure la divine agonie. Elle accourut vers nous pour détacher [Jésus] de la Croix dont notre égoïsme, chaque jour, renouvelle le supplice.” “Comment ne pas consoler cette Mère que Jésus, sur la Croix, nous confia ?”
Pratique