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Comment l’amour rend intelligent

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Louis Charles - publié le 03/04/24

Le problème des gouvernants, c’est qu’ils veulent connaître sans aimer. Ils ne voient pas que l’amour rend intelligent, qu’on ne peut pas connaître les autres sans se dévoiler. Les saints, tout au long des siècles, en ont fait l’éclatante démonstration.

Ce que la Bible appelle la connaissance de Dieu n’est pas une connaissance sur Dieu mais une intimité avec Dieu. De même quand la Bible dit qu’un homme a connu une femme, cela signifie qu’ils ont vécu ensemble une intimité sexuelle. Contrairement à la connaissance des choses ou des idées, la connaissance véritable des êtres ne peut s’acquérir que dans une relation d’intimité avec eux. Cela n’a rien d’anodin car une telle relation nous engage pleinement. Elle suppose que nous consentions à nous dévoiler, à tomber le masque et l’armure, à exposer nos faiblesses et donc à nous rendre vulnérables. C’est une prise de risque de même nature que celle de Dieu se faisant homme parmi les hommes et finissant sur le bois de la croix. Cette prise de risque est le prix à payer pour accéder à l’intimité d’autrui. 

Le problème des gouvernants

D’où le paradoxe de nos gouvernants : ils sont censés comprendre et connaître le peuple qu’ils dirigent mais, chaque élection en France le confirme, ils n’y comprennent rien. Ils ne comprennent rien au peuple comme on dit de certains hommes qu’ils ne comprennent rien aux femmes. Ils ne comprennent rien au peuple parce qu’ils ne le connaissent pas et ils ne le connaissent pas parce qu’ils ne veulent surtout pas vivre avec lui. Ils n’ont quand même pas fait HEC et l’ENA pour ça ! S’ils ont sué sang et eau, passé des nuits blanches, des concours, vécu des nuits d’angoisse c’est justement pour pouvoir, en contrepartie, ne plus vivre dans le même monde que leurs concitoyens. S’ils ont tout fait et ils ont parfois tout sacrifié — y compris leur entourage — pour accéder aux manettes du pouvoir ce n’est certainement pas pour renoncer au train de vie et aux privilèges qui vont avec. L’aboutissement de la stratégie d’orientation scolaire et de sélection sociale fébrilement élaborée par leurs parents, le fruit de leurs efforts et de leurs sacrifices c’est justement l’assurance que jamais ils ne vivront comme tout le monde. C’est précisément une assurance contre ce “risque”. Ils ne veulent pour rien au monde connaître le peuple qu’ils dirigent en vivant avec lui. 

Le conseil des saints

Mais ce que nos gouvernants ne veulent/peuvent pas faire, les saints, eux, le font très bien. Au point que, second paradoxe, certains gouvernants viennent les consulter quand ils se rendent compte que, contrairement à eux, ces chrétiens accomplis connaissent le pays réel. Au XVIIe siècle, saint Vincent de Paul a été le conseiller d’Anne d’Autriche pendant la régence de son fils Louis XIV. Au point que le très ambitieux Mazarin en a pris ombrage et a intrigué pour le faire renvoyer. Fort de sa connaissance du peuple et de ses misères d’une part, et de la confiance de la régente d’autre part, il obtint la création de ce qu’on appellerait aujourd’hui l’assistance publique et plus généralement d’une prise en charge de la misère par les pouvoirs publics : réfugiés victimes de guerres, orphelins, mendiants, prostituées, mères célibataires, personnes âgées etc. Soucieux de l’âme et du corps des malheureux, il était conscient des causes et des conséquences sociales et politiques dramatiques de la misère du petit peuple.

À la fin du XIXe siècle, don Bosco était consulté autant par le Pape et les cardinaux que par les gouvernants anticléricaux italiens, car il était celui qui était le mieux placé pour comprendre les ravages de la société industrielle sur des populations rurales déracinées et pour les expliquer aux classes dirigeantes. Vivant avec et pour les orphelins et les vagabonds des faubourgs de Turin, il en connaissait les misères. Prêtre, il se fit aussi se fit éducateur et pédagogue. Il fonda l’ordre des Salésiens qui essaima jusqu’en Patagonie pour vivre, par amour avec ceux qui étaient abandonnés à leur triste sort car d’abord ignorés.

Au milieu du peuple

Au début du XXe siècle, le meilleur connaisseur français du Maroc et du Sahara était le père Charles de Foucauld. Vivant au milieu des musulmans auxquels il voulait témoigner de l’amour de Dieu en prenant soin de leurs corps et de leurs âmes il parlait le touareg, l’arabe et même l’hébreu car il n’ignorait pas le sort difficile de l’importante communauté juive du Maroc. Les militaires français chargés d’y maintenir ou d’y rétablir la paix civile et la sécurité le consultaient pour décrypter les événements et les affrontements qui affectaient les populations locales.

C’est seulement en aimant les gens qu’on finit par les comprendre vraiment.

À la fin du XXe siècle, la communauté Sant’Egidio n’avait pour seul objet que de prendre soin des pauvres et leur annoncer l’amour de Dieu. Elle s’est peu à peu développée hors d’Italie et s’est implantée dans d’autres pays. Ses membres sont devenus sans le rechercher les seuls interlocuteurs respectés unanimement au Mozambique, et ont ainsi servi de médiateur pour négocier la fin de la guerre civile qui ensanglantait le pays depuis quinze ans. Ils étaient les mieux placés parce qu’ils étaient les plus respectés : ils connaissaient le pays réel parce qu’ils vivaient au milieu du peuple mozambicain.

Aimer en vérité

Au XXIe siècle, les missionnaires, les religieux et les religieuses, les prêtres et les évêques, les ordres spécialisés et les laïcs engagés constituent un réseau planétaire voué à témoigner localement de l’amour de Dieu pour les hommes et qui, nécessairement, fait remonter à Rome des informations éclairées et de première main sur la situation et la vie des personnes. Immergés dans la vie et les tragédies des peuples auxquels ils se sont donnés, ces témoins connaissent les réalités humaines et leurs contextes. Ils les connaissent bien mieux que n’importe quel service de renseignement extérieur précisément parce qu’ils les connaissent de l’intérieur. C’est pour cela que jamais la CIA, le FSB, le Mossad ou la DGSE ne disposeront d’un réseau de renseignement comparable à celui du Vatican. Il faudrait pour cela que leur priorité soit d’aimer au lieu d’espionner et aimer en vérité c’est-à-dire gratuitement, sans arrière-pensée, dans la durée et jusqu’au bout.

Car c’est seulement en aimant les gens qu’on finit par les comprendre vraiment. C’est en les aimant qu’ils nous deviennent intelligibles. C’est en aimant qu’on devient intelligent. Parce que l’amour vient de Dieu. Parce que Dieu est amour.

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Tags:
AmourCharitéSociété
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