L’archevêque de Milan, Mgr Mario Delpini, a ouvert le 19 décembre dernier la phase diocésaine de la cause en béatification du serviteur de Dieu Ettore Boschini, camillien, qui a dépensé toute sa vie auprès des plus démunis en Lombardie, sa région d’origine, mais également dans toute l’Italie et en Colombie — “parce que des pauvres il y en a partout”, disait-il — où tant de centres poursuivent son action.
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Comme Camille de Lellis, le fondateur de son ordre, Ettore Boschini n’attachait aucune importance à la forme et aux “qu’en-dira-t-on” de son entourage. Il allait droit au but, ne visant qu’un seul objectif : être un vrai serviteur de Dieu en aidant les plus démunis, et vivant aux côtés des plus petits dans les situations les plus improbables. Certains membres du clergé voyaient en lui “l’entêtement” d’un “fou de Dieu”. D’autres “l’ange des clochards”, comme on l’appelle aujourd’hui, ou un de ces “géants de la charité” capable de proposer aux nouvelles générations un nouveau modèle de sainteté, un bon samaritain de notre temps.
Ses premiers “refuges”
Ettore Boschini est né à Roverbella, une petite commune près de Mantoue, le 25 mars 1928, d’une modeste famille d’agriculteurs. Entré chez les Camilliens en 1952, c’est à la clinique Camillienne Saint Pie-X de Milan qu’il découvre les misères des grandes villes. Misères qu’il ne peut souffrir et qu’il essaie de soulager en s’inventant des “refuges” de secours pour les sans-abris, les immigrés, les personnes seules… Tout le monde est accueilli. Et très vite une équipe de volontaires, attirés par son charisme, se forme à ses côtés, et Frère Ettore, dès qu’il peut, se sauve pour aller distribuer des soupes chaudes au clochards, notamment aux abords de la gare centrale de Milan.
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Dans son aube noire toute décousue, une grosse croix rouge sur la poitrine, la tenue des Camilliens, il parcourt en long, en large et en travers, la ville de Milan, à la recherche de personnes dans le besoin — surtout celles qui ont particulièrement honte de leur état de misère — et avec humilité et tendresse, leur tend la main. Une aide concrète et spirituelle pour les sortir de leur isolement. Dans sa poche, en permanence, des couronnes du rosaire en plastique blanc pour les distribuer à chaque occasion.
Le vrai tournant
Mais le vrai tournant, pour Ettore, a lieu en 1977, la nuit de Noël, au dortoir public, quand il fait don de ses chaussettes et de ses chaussures à un clochard aux pieds presque congelés par le froid, et s’enfile à la place des chaussures et chaussettes sales et trouées pour rentrer chez lui. Dès le lendemain, c’est décidé, les clochards seront sa vraie famille. Pour eux, il ouvre le premier dortoir de la gare de Milan, puis peu à peu d’autres dortoirs, des cantines, des dispensaires et des centres d’accueil à Milan et autres villes d’Italie, et quand l’Italie ne lui suffit plus, il en ouvre d’autres à Bogota en Colombie. Aujourd’hui ces centres d’accueil évoluent au rythme des nouvelles pauvretés : malades du Sida, prostituées, étrangers, voire clandestins, qui doivent vivre dans l’ombre. « C’était un char d’assaut, il ne s’arrêtait devant rien, il fut un exemple pour nous tous », témoigne un de ses anciens élèves (Il Giorno).
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Un entêtement providentiel
Mais dans son entêtement à faire le bien coûte que coûte, frère Ettore va trop loin, ne lésinant pas sur les dons, parfois consistants, souvent supérieurs à ses besoins. Il se débarrasse alors de ce qu’il a en trop pour répondre aux nécessités du monde – des victimes des tremblements de terre aux déplacés de la Bosnie en guerre, de manière à se retrouver, comme avant, sans un sou en poche. Et recommencer le lendemain… en s’en remettant à la providence, enseignant à ses pauvres à prendre soin des « plus pauvres » et les portant à travailler là où il y a urgence ou une catastrophe (santiebeati).
Frère Ettore Boschini est décédé le 20 août 2004 à l’âge de 76 ans, à la clinique Saint-Pie de Milan. Pour tout le monde, croyants et non croyants, la sainteté d’Ettore Boschini est une évidence, tant son témoignage en faveur des plus pauvres fut extraordinaire, amenant tant de consciences à s’interroger sur leur propre attitude à l’égard du prochain et des exclus.