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“Le droit français ne reconnaît pas de droit à l’avortement”

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XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP

Manifestation pro-avortement en réaction à la décision de la Cour suprême américaine de suspendra l'arrêt Roe vs Wade, 26 juin 2022, Paris.

Guillaume Drago - Valdemar de Vaux - publié le 01/07/22

Depuis que la Cour suprême américaine a décidé, vendredi 24 juin, d’annuler l’arrêt qui garantissait une liberté fédérale, certains en France proposent d’inscrire un “droit à l’avortement” dans la Constitution. Aleteia a interrogé Guillaume Drago, professeur de droit constitutionnel à Paris II Panthéon-Assas. Décryptage.

“La Constitution ne prend pas parti sur la question de l’avortement”, a prévenu le juge de la Cour suprême Brett Kavanaugh vendredi 24 juin. Alors que la plus haute instance judiciaire des États-Unis venait d’annuler l’arrêt Roe vs Wade de 1973, il ajoutait : “La Constitution est neutre et laisse au peuple et à ses représentants élus le soin de résoudre cette question par le biais du processus démocratique au sein des États ou du Congrès.” Cette problématique constitutionnelle, apparemment états-unienne, est désormais arrivée en France. Dès le lendemain de la décision, la chef des députés de la majorité présidentielle proposait que le “droit à l’avortement” soit inscrit dans la loi fondamentale française. Une proposition qui n’est pas certaine d’aboutir étant donné la procédure rappelée par Guillaume Drago. Interrogé par Aleteia, le professeur de droit constitutionnel estime aussi que “ce n’est pas parce qu’un droit est inscrit dans la Constitution que sa protection est garantie.” Sans compter que la société a besoin de stabilité, laquelle est l’objet de ce texte déjà modifié plusieurs fois depuis 1958.

Aleteia : Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, veut inscrire le “droit à l’avortement” dans la Constitution quelle serait la procédure nécessaire ? Un droit est-il mieux garanti s’il est gravé dans la loi fondamentale ?
Guillaume Drago : Si vous le permettez, voici un petit rappel de procédure constitutionnelle : la proposition de loi constitutionnelle, d’origine parlementaire, propose une modification de la Constitution en inscrivant ce “droit” dans notre bloc de constitutionnalité. Elle devra être votée dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et par le Sénat puis être soumise nécessairement au peuple français qui est le constituant souverain. C’est un acte majeur et grave, du point de vue juridique et plus encore, du point de vue de la cohésion nationale. La Constitution est-elle le bon “vecteur” pour cette reconnaissance ? C’est une question préalable qu’il faut poser. Ce n’est pas parce qu’un “droit” ou une “liberté” est inscrit dans la Constitution que sa protection est nécessairement garantie. Cela signifie plutôt qu’il va s’imposer à tous, et au législateur en premier. Seule la volonté du peuple souverain peut le décider.  

Le fœtus n’est-il pas aujourd’hui protégé par la Constitution ? Comment cette protection pourrait-elle s’accorder avec le nouveau droit ?
Il faut rappeler que la loi de 1975 sur l’IVG énonce, dans son article 1er, que “la loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi”. Ce principe législatif était, lors du débat de la loi de 1975, un élément essentiel qui avait conduit à accepter une “suspension”. On voit combien l’esprit de cette législation a été détourné au profit de ce que certains appellent un “droit à l’avortement” qui n’est aucunement reconnu par le droit français, il faut le dire. Si la proposition de loi constitutionnelle était votée, elle s’imposerait à cette législation qui deviendrait en quelque sorte sans objet.

Peut-on d’ailleurs parler de “droit” à l’avortement ? La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) elle-même n’utilise pas cette expression, pourquoi ?
J’insiste : il n’y a pas, ni dans la législation française, ni au niveau du droit du Conseil de l’Europe, de “droit à l’avortement”. On peut même dire qu’en employant cette expression, certains prennent leur désir pour la réalité, mais ce n’est pas le cas. Évidemment, on comprend que c’est un objectif recherché par certains activistes qui veulent profiter de ce moment pour pousser leur avantage, dans une période politique de flottement. Et il est important de souligner que, sur ces droits sociétaux, la CEDH renvoie en général à la “marge nationale d’appréciation” des États, c’est-à-dire reconnaît que cette question relève de la compétence des États et non du Conseil de l’Europe.

Pour modifier la Constitution, il faut un vote identique des deux assemblées puis un référendum proposé au peuple français.

Dans ces conditions, le projet de la majorité à l’Assemblée nationale d’inscrire le “droit à l’avortement” dans la Constitution a-t-il des chances d’aboutir ?
Pour modifier la Constitution, il faut un vote identique des deux assemblées puis un référendum proposé au peuple français. Il faut donc une majorité stable et cohérente. Chacun comprend que ce n’est pas le cas actuellement. Je pense que cela ne sera pas fait. Ce n’est ni le moment, ni le souhait d’une majorité de Français. Il me semble que nous avons, en France, d’autres priorités…

Quels sont les risques que court la société en revenant sans cesse sur le texte de la Constitution ?
La Constitution est l’expression juridique de la stabilité de la société. On ne change pas tous les jours de constitution ! Il faut donc la conserver, la respecter et ne pas vouloir y inscrire tout ce qui fait nos libertés et droits fondamentaux. Nous avons besoin de stabilité juridique et de principes “clairs et incontestables qui tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous”, comme le dit la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.

Propos recueillis par Valdemar de Vaux

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