La 28e Conférence des Parties (COP 28) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) se tient à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre. Comme à chacun de ces rendez-vous annuels, les opinions oscillent entre l’espoir et la désillusion. Plutôt que s’en remettre à des impressions, le pape François préfère afficher une conviction, celle qu’il est encore possible d’inverser la tendance d’un réchauffement climatique dont les effets affectent non seulement la planète mais d’abord les hommes qui en sont les gardiens.
La COP 28 pourrait apparaître comme une énième réunion de ce type, plus forte à effectuer des constats qu’à adopter des mesures. Pourtant, par rapport aux précédentes conférences, celle-ci est appelée à prendre la responsabilité particulière de dresser le bilan de la mise en œuvre de l’Accord de Paris voté à l’issue de la COP 21 en 2015. Or les ambitions affichées alors ne seront manifestement pas tenues : plutôt qu’un réchauffement limité à 1,5°C d’ici la fin du siècle par rapport à l’ère pré-industrielle, il faut s’attendre davantage à une élévation des températures allant de 2,5°C à 2,9°C. La cause en est la trop forte émission des gaz à effet de serre générée par l’utilisation massive des énergies fossiles.
Face à cette situation, certains préconisent l’adoption de technologies de capture et de séquestration du carbone. C’est le cas, en particulier, des pays producteurs de pétrole et l’on peut penser que le pays hôte de la COP 28 ira dans ce sens, d’autant plus que la conférence sera présidée par Ahmed al-Jaber, ministre émirati de l’industrie et directeur général de la société Abu Dhabi National Oil Company. Ce n’est pas la position de la France, le président Emmanuel Macron ayant déjà appelé les participants “à ne pas se divertir”, encore moins celle du Vatican.
Comme il l’avait fait avant la COP 21 en donnant son encyclique Laudato si’ sur la sauvegarde de la maison commune, le pape François a publié, le 4 octobre dernier, en la fête de saint François d’Assise, l’exhortation apostolique Laudate Deum dont il explique à la fin le sens de son titre (LD, 73) :
Louez Dieu est le nom de cette lettre. Parce qu’un être humain qui prétend prendre la place de Dieu devient le pire danger pour lui-même.
Si l’exhortation est une forme d’actualisation de l’encyclique huit ans après la parution de celle-ci, elle en est surtout la déclinaison pratique afin de parvenir à un accord réellement valable à l’issue de la COP 28. La position du Pape repose sur quelques convictions simples et fortes qu’il expose dans sa lettre : la réalité du réchauffement climatique, l’incontestable responsabilité de l’homme dans cette situation et les conséquences désastreuses pour les plus pauvres.
François appelle à un “anthropocentrisme situé” qui reconnaisse que “la vie humaine est incompréhensible et insoutenable sans les autres créatures”.
De fait, le Pape n’adhère pas une conception antispéciste mettant l’homme au même niveau que les autres créatures mais en appelle à un “anthropocentrisme situé” qui reconnaisse que “la vie humaine est incompréhensible et insoutenable sans les autres créatures” (LD, 67). Ce que dénonce le Saint-Père, c’est ce qu’il appelle le « paradigme technocratique », c’est-à-dire l’idéologie de la toute puissance de la technologie exemptée de toute considération éthique. Afin de contrer cette vision, s’il salue les efforts des ménages contribuant à construire une nouvelle culture, il en appelle surtout à une autre politique internationale fondée sur une reconfiguration du multilatéralisme afin de parvenir à un multilatéralisme “d’en bas” (LD, 38).
Des mesures contraignantes et contrôlables
S’agissant des conférences sur le climat, le pape François reconnaît les avancées faites au cours du temps, notamment par l’Accord de Paris de 2015 mais, pour ce qui est de celui-ci, regrette que, “bien qu’il s’agisse d’un accord contraignant, toutes les exigences ne sont pas des obligations au sens strict et (que) certaines d’entre elles laissent une grande marge de manœuvre” (LD, 47). Ce qui conduit le Pape, pour les conférences qui ont suivi, de “continuer à affirmer que les accords n’ont été que peu mis en œuvre parce qu’aucun mécanisme adéquat de contrôle, de révision périodique et de sanction en cas de manquement, n’a été établi” (LD, 52). Par conséquent, pour la COP 28, dénonçant par avance, comme le Président français, ce qui ne serait qu’«un simple jeu de diversion”, François demande, pour que cette conférence “soit historique, qu’elle nous honore et nous ennoblisse en tant qu’êtres humains”, qu’elle décide “des formes contraignantes de transition énergétique qui présentent trois caractéristiques : efficaces, contraignantes et facilement contrôlables” afin de réduire les émissions de carbone (LD, 59).
Joignant le geste à la parole, le pape François avait annoncer se rendre à Dubaï. Avant de devoir y renoncer, à quelques heures de son départ, sur les conseils de son médecin. Il aurait été le premier chef de l’Église catholique à participer à une réunion de ce genre. Il devait d’ailleurs inaugurer le Pavillon de la foi destiné à promouvoir le rôle des religions dans la transition écologique. Alors si la foi soulève les montagnes, elle peut bien aussi les protéger.